
Nichée dans les montagnes de la préfecture de Tochigi, à seulement deux heures de Tokyo, Nikkō est une destination idéale pour s’évader le temps d’un week-end. Entre sanctuaires classés au patrimoine mondial de l’UNESCO, randonnées en pleine nature, et instants de méditation face à des statues anciennes, ce lieu offre une parenthèse hors du temps. Retour sur un séjour inoubliable.
Jour 1 : À la rencontre du patrimoine sacré de Nikkō
Arrivée et premières impressions
Je quitte Tokyo en train Tobu tôt le matin. À l’arrivée, l’air est déjà plus frais et chargé d’humidité forestière. L’ambiance change radicalement : ici, les gratte-ciel font place aux cèdres millénaires et aux chemins pavés bordés de mousse. Je dépose mes affaires dans une petite auberge traditionnelle (ryokan) au bord de la rivière Daiya.
Le sanctuaire Tōshō-gū : un chef-d’œuvre d’architecture
Premier arrêt incontournable de ce week-end à Nikkō : le sanctuaire Tōshō-gū, l’un des sanctuaires les plus somptueux et fascinants du Japon. Construit au début du XVIIe siècle pour abriter le mausolée de Tokugawa Ieyasu, le fondateur du shogunat Tokugawa, il marque une rupture stylistique avec les lignes épurées habituellement associées aux sanctuaires shinto.

Dès l’entrée, on est frappé par la richesse décorative : chaque bâtiment est finement orné de détails dorés, sculptures en bois polychrome, dragons, fleurs, animaux mythologiques, dans une explosion de couleurs et de symboles. Cette exubérance, loin de l’austérité habituelle, est le reflet d’un Japon qui s’unifie et affirme son pouvoir à travers l’art.
Je prends le temps de m’arrêter devant la porte Yōmeimon, surnommée « la porte du soleil couchant », tant sa beauté est réputée inépuisable — on pourrait l’admirer jusqu’à la tombée de la nuit. Plus de 500 sculptures la décorent, chaque motif regorge de signification, qu’il soit bouddhiste, shinto ou inspiré de la nature.
Un peu plus loin, je tombe sur une sculpture bien connue : les trois singes de la sagesse, représentant la maxime « ne rien voir, ne rien entendre, ne rien dire ». Cette image, que l’on retrouve aujourd’hui dans la culture populaire, puise ici ses racines spirituelles profondes.
L’ascension vers le mausolée de Tokugawa Ieyasu, niché dans la forêt, se fait dans le calme. Les marches en pierre, bordées de cèdres géants, semblent nous transporter hors du temps. Le sanctuaire supérieur, plus sobre, tranche avec la magnificence des bâtiments principaux — comme si, au bout du faste, on retrouvait la simplicité de la nature et du sacré.
Ce lieu n’est pas seulement un joyau architectural : il incarne l’histoire d’un Japon en mutation, entre tradition religieuse, affirmation politique et raffinement artistique. Une visite profondément marquante.
Pause déjeuner : Yuba et soba
Pour déjeuner, je choisis le restaurant Hippari Dako, une adresse simple et chaleureuse. Je goûte à une spécialité locale : le yuba soba (pâtes de sarrasin servies avec du yuba, peau de tofu). C’est délicieux, nourrissant, et parfait pour se réchauffer.
Jour 2 : Nature, méditation et mystère
Kanmangafuchi Abyss : promenade mystique

Le lendemain matin, je pars explorer le Kanmangafuchi Abyss, un petit ravin formé par une ancienne coulée de lave du mont Nantai. Le sentier longe la rivière et c’est ici que je découvre les fameuses statues de Jizō. Alignées silencieusement, coiffées de bonnets rouges, recouvertes de mousse, elles dégagent une présence à la fois apaisante et étrange. On dit que leur nombre change à chaque tentative de les compter…
Je m’assois un moment, entouré du murmure de l’eau et du chant des oiseaux. C’est un moment de calme rare, presque méditatif.
Cascade Kegon : majesté naturelle
Dans l’après-midi, je prends un bus depuis le centre de Nikkō en direction du lac Chūzenji, situé à plus de 1 200 mètres d’altitude. À mesure que l’on monte la sinueuse route Irohazaka, bordée d’arbres centenaires, l’air se rafraîchit et les paysages deviennent plus spectaculaires. Une fois arrivé au bord du lac, le contraste avec la ville est saisissant : ici, tout est calme, pur, et baigné de lumière.

À quelques minutes de marche du lac, on découvre l’une des merveilles naturelles du Japon : la cascade Kegon. Haute de près de 100 mètres, elle se jette d’une paroi rocheuse abrupte, formée par une ancienne coulée de lave du mont Nantai. L’eau issue du lac Chūzenji s’élance dans le vide avec une puissance assourdissante, créant un rideau d’écume et un nuage de bruine rafraîchissante. En été, la force du débit est impressionnante, et en hiver, la cascade peut même partiellement geler, créant un tableau glacé d’une beauté irréelle.
Pour profiter pleinement de la vue, je descends par un ascenseur creusé dans la roche jusqu’à une plateforme d’observation en contrebas. Là, on est littéralement face à la chute d’eau, au cœur du grondement, les gouttelettes sur le visage, immergé dans la majesté brute de la nature.
Juste en contre-haut, à proximité, se trouve le célèbre pont Shinkyo, ou « pont sacré », l’un des symboles iconiques de Nikkō. Ce pont vermillon, aux arches élégantes, enjambe la rivière Daiya et marque l’entrée historique vers les sanctuaires de la ville.



Traverser le pont Shinkyo, c’est passer d’un monde à un autre, au cœur d’une atmosphère empreinte de légendes et de spiritualité, offrant un magnifique contraste avec la puissance naturelle de la cascade.
Dîner et onsen : la cerise sur le gâteau
De retour à mon ryokan, je profite du onsen (bain thermal) avant le dîner. Rien de mieux pour détendre les muscles après une journée de marche. Le repas est un festin : poissons grillés, légumes de saison, riz, soupe miso, et bien sûr, du yuba sous différentes formes.
Infos pratiques & bonnes adresses
- Hébergement :
Honke Bankyu Ryokan – Ryokan traditionnel avec onsen, très bon accueil et cuisine locale.
Nikko Guesthouse Sumica – Option plus économique, ambiance conviviale. - Restaurants :
Hippari Dako – Décontracté, très bon soba.
Gyoshintei – Pour une cuisine kaiseki végétarienne raffinée près des temples.
Meiji no Yakata – Pour une pause sucrée, délicieux cheesecake à l’occidentale dans un ancien pavillon Meiji. - Accès :
Depuis Tokyo, prendre la ligne Tobu Nikko ou JR Nikko Line (environ 2h).

